Pas vraiment un hasard, ce goût des lunettes noires.
Oh, y’a pas plus bavard qu’un regard.
On vous a dit tout p’tit, les bons points et les fautes.
Moi, j’ai appris la vie dans le regard des autres.
Y’en a des froids, des durs qui te veulent du mal,
Des qui te clouent au mur à la Lauren Bacall.
J’en ai vu des si clairs, si purs et si profonds
Que j’ai donné, misère, l’bon Dieu sans confession.
Y’en a qui te jugent, précis, sans indulgence,
Comme un combat de rue dans le froid dans l’urgence
Et les tendres et discrets dans un battement de cils
Qui te disent “Je sais : c’est pas toujours facile.”
J’y vois ce que je suis, ce que je ne suis plus.
C’est le livre où je lis tout c’que j’ai jamais lu
Et si je parle peu dans vos conversations,
Regarde-moi dans les yeux, je te dirai ton nom.
Y’en a des obliques, ceux des chiens de faïence,
Y’a les regards suppliques, y’a les regards offenses.
J’y ai lu du désir, de l’envie, du mépris
Et parfois du plaisir, parfois, c’est c’que j’ai dit.
J’y ai vu des appels plus stridents que des cris,
Les phrases les plus belles, plus sûres que par écrit.
Ils te disent l’amour, ils te disent la haine
Bien mieux qu’aucun je t’aime, bien mieux qu’aucun discours.
Tu peux changer de pays, même changer de visage
Mais ton regard te suit, signé comme un tatouage.
Si même les plus saints avaient besoin d’apôtres,
C’est que personne n’est rien, sans le regard des autres.
Y’a ceux qui te cherchent, y’a ceux qui te hantent,
Ceux que tu espères et tous ceux qui te manquent.
Regarde-moi dans les yeux, regarde-moi dans les yeux,
Dans les yeux.
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